Christian BEZIAU Ecrivain

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L'AMANTE RELIGIEUSEExtrait du roman

Je suis réveillée vers six heures du matin par le téléphone et des bruits de pas dans les couloirs. On frappe fortement à la porte de mon appartement privé.

    • Madame le Consul, Madame. C’est moi Piraut. Ouvrez s’il vous plaît. C’est important !

Pour que Piraut, mon officier de sécurité me réveille ainsi en pleine nuit, il faut qu’il s’agisse de quelque chose de sérieux.

J’enfile ce que je peux pour le recevoir de façon décente et je lui ouvre la porte.
    • Excusez moi, madame ! –le pauvre est embarrassé de me voir ainsi – mais il fallait que je vous informe des événements qui se passent actuellement.
    • Parlez ! – je l’invite à entrer et à venir s’asseoir dans le petit salon qui jouxte ma chambre – Qu’est-ce qui se passe donc ?
    • Je viens d’être informé, et d’ailleurs la radio reprend la nouvelle, qu’une série d’attentats s’est déclarée dans Baloma contre le palais Présidentiel et dans les principales villes du pays. Des bâtiments publics sont touchés, des ponts ont explosés, des lignes de chemin de fer ont également été endommagées. Le Président de la république a convoqué son gouvernement et a décrété l’état de crise. Il s’agit de choses graves. Nous craignons qu’à Tulemongoza, ça suive. J’ai demandé à mes hommes de tout inspecter et de me signaler tout ce qui pourrait leur paraître suspect.
    • Vous avez bien fait. Laissez moi quelques instants et je vous rejoins dans la salle de réunions

La situation se gâte. Je pense immédiatement à del Succa Yvanies et à ce que j’ai pu constater dans son appartement clandestin. Pour quelqu’un qui se dit ne pas vouloir agir en rébellion avec son pays, il ne manque pas de toupet ! Ses histoires de conférences ou ateliers-débats ne sont en fait que de la foutaise, il s’est bien foutu de moi !

Juste le temps de me préparer et je me précipite dans la salle de réunions où déjà tout le monde est présent et discute des incidents.

    • Bonjour ! Comme vous venez sans doute de l’apprendre en même temps que moi, le pays est traversé par une série d’attentats qui ne semble pas épargner les ouvrages des villes telles que la nôtre. Je ne pense pas sérieusement que nous puissions être visés mais il faut néanmoins prendre toutes les dispositions. Interdiction de faire pénétrer quiconque sans raison essentielle dans les locaux du consulat. Nous établissons immédiatement une action du type « vigipirate ». Le capitaine Piraut est chargé de l’action. Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Je vais me renseigner auprès des autorités locales.

Je sens que la tension est forte. L’absence de repos et le manque de maquillage me donnent un air angoissant. 

Oser s’attaquer ainsi au palais Présidentiel est un acte particulièrement audacieux. C’est viser le symbole de la puissance de l’Etat afin de montrer qu’il ne s’agit pas d’une action banale.

Le reste de la journée est consacré à l’écoute des informations diffusées par la radio et la télévision. Des éditions supplémentaires des journaux sont rapidement vendues. La ville est quadrillée par des forces militaires et de police considérables qui circulent dans des véhicules d’intervention blindés. 
Bien entendu, la cérémonie de clôture de la foire commerciale a été annulée. Le Président Douarez se maintient dans son palais Présidentiel entouré de ses ministres avec lesquels il doit vraisemblablement prendre des dispositions. Il a prévu d’intervenir le soir même par une allocution télévisée.
Toutes mes consignes sont respectées et l’ensemble du personnel suit à la lettre les recommandations données par Piraut. Nous ne constatons rien d’anormal dans le consulat. Quant aux instructions que je reçois de mon ministère, elles sont brèves : pas de vague, ne rien commettre qui pourrait porter atteinte à la sécurité des français. 

Le soir, le Président Douarez intervient effectivement à la télévision. Il est grave et relate brièvement les incidents. Il y a eu des attentats dans de nombreuses villes, détruisant ou endommageant sérieusement des routes, des bâtiments, des casernes, des ponts. Le palais lui-même a subi une attaque au lance- roquette, dans le but évident d’attenter à la vie du Président et de sa famille. C’est la première fois que de tels faits se produisent en Paluvie. Ceux –ci ne resteront pas impunis. La police, qui a immédiatement commencé ses recherches, a déjà quelques pistes. L’interpellation de certaines personnes a permis d’établir certains faits prouvant l’appartenance d’hommes politiques d’affaires ou des intellectuels à ce vaste complot. Parmi celles-ci, le docteur Ricardo del Succa Yvanies sur lequel de graves soupçons porteraient. Celui-ci serait actuellement activement recherché pour complément d’information.

Le Président appelle ensuite son peuple à le soutenir dans son programme politique et à rejeter en bloc toutes ces actions qui visent à déstabiliser le gouvernement. Il promet des réformes qu’il présentera prochainement au parlement et demande à ce qu’on lui fasse confiance. VIVE LA PALUVIE !

Après avoir une dernièrement informé mon ministère de tout ce que j’ai appris et dressé un bilan de cette affaire, je retourne dans mon appartement. La journée fut longue et difficile. 

En m’allongeant sur le canapé du salon, je refais défiler dans ma mémoire tous les moments de cette journée afin de mieux comprendre ce qui a bien pu se passer et surtout réfléchir à ce qui pourrait arriver demain et les autres jours à venir.

En toutes apparences, les attentats n’auront pas vraiment donné des avantages à ceux qui les ont commis bien au contraire, le gouvernement a immédiatement pris des mesures pour rétablir son autorité. Selon les journalistes de nombreuses arrestations ont été faites. Compte tenu des moyens dont dispose la police de ce pays pour interroger les suspects, il est très probable que cela va déboucher sur d’autres arrestations.

Ce qui m’étonne c’est que del Succa Yvanies que l’on considère pour être l’un des meneurs de cette organisation ne soit pas encore arrêté. Son nom a été cité mais il semble que la police n’a pas de preuve tangible pour affirmer son accusation. Où est il en ce moment ? Que voulait-il faire de tout cet arsenal dans son logement ?

En y réfléchissant, je pense qu’il voulait profiter de la présence du Président Douarez venu pour clôturer la foire commerciale devant tout un parterre d’hommes importants, pour déclencher un attentat. Les événements de la nuit dernière n’auront pas arrangé les choses.

Cela commence sérieusement à me déplaire. Si la police met la main sur lui, je ne parierai pas sur ses chances de s’en sortir sans casse. Quant à mes espoirs de le récupérer pour payer son crime, ceux-ci tomberont définitivement. Ce n’est certainement pas comme ça que je vois les choses. Je me couche en me disant que demain il fera jour.

Le consulat a repris ses activités quasi normalement. Les consignes de sécurité sont maintenues mais nous pensons que les attentats sont désormais de l’ancien. La presse et la télévision font bien état d’autres incidents dans différentes villes. Le Président intervient régulièrement pour calmer les craintes des gens. Les gouverneurs de province et les chefs de la police ou de l’armée donnent des informations sur les enquêtes que leurs services effectuent. En réalité, il n’y a que très peu de personnes en détention. L’organisation ne compterait que quelques dizaines de membres tout au plus. Cela est néanmoins suffisant pour semer le trouble parmi la population qui reste inquiète.

Au milieu de l’après-midi, Piraut demande à me voir. Je le reçois rapidement.

    • Je voudrais vous signaler que la police sait que le docteur del Succa Yvanies dispose d’un logement à Tulemongoza. Les services spéciaux l’ont arrêté alors qu’il tentait de passer un barrage de police. C’est un collègue qui est conseiller auprès du Président qui m’a donné le tuyau. Ils vont venir à Tulemongoza pour perquisitionner dans la journée, lorsque le juge d’instruction leur aura donné un mandat. Je voulais vous en avertir.
    • Merci, capitaine.

Je sens tout d’un coup que Piraut m’a donné cette information afin que je l’exploite à ma façon. Sans doute pour me protéger mais certainement pour m’aider à titre personnel.

Lorsqu’il quitte mon bureau, ma décision est prise. J’imagine que lorsque les services spéciaux vont débarquer dans le logement, ils vont découvrir les explosifs et tout le reste du matériel de propagande. Alors, c’en sera fait pour del Succa Yvanies qui sera bouclé pour de bon.

Il faut que j’agisse tout de suite.

Je me change pour revêtir une tenue moins voyante, un jean, un polo sombre et des tennis. Une casquette en toile et des lunettes de soleil et me voilà déjà dans la rue après avoir franchi la petite porte du jardin qui donne dans la rue adjacente. Personne ne fait attention à moi. Du moins, je le pense. Alors que je m’apprête à traverser la rue, une main se pose sur mon bras.

    • Si vous voulez, on peut prendre ma voiture !

Piraut est lui aussi en tenue décontractée. Il me pousse doucement vers un vieux fourgon bâché.
    • C’est quelquefois bien pratique pour transporter du matériel. – me lance-t-il en ouvrant la porte côté passager.

Avant que j’aie eu le temps de répondre, il a déjà pris place au volant et démarre. Nous nous dirigeons, sans que je lui donne d’instructions vers le centre. A cette heure de la journée, pas mal de personnes sont assises à l’ombre des arbres qui se reposent ou discutent. Piraut se fraye un chemin entre les véhicules. Il conduit vite et avec doigté. Nous débouchons rapidement dans la rue où del Succa Yvanies a son logement. Non loin de l’immeuble, Piraut se met en stationnement en double file et m’invite à descendre.
    • Prenez ce carton et suivez-moi !

Sans réfléchir, je prends le carton. Des bouteilles d’eau minérale ! Lui aussi en porte un. Je le suis en trottinant.

Arrivé devant l’immeuble, il regarde la porte comme pour vérifier le numéro et me demande fermement de le suivre, en dialecte local. Je ne comprends rien de ce qu’il m’a dit mais j’accélère le pas. Ensemble, l’un derrière l’autre, nous passons devant des femmes assises dans le couloir de l’immeuble. Personne ne fait vraiment attention à nous lorsque nous montant l’escalier avec nos cartons.

Au premier étage, nous stoppons devant la porte du logement. Pinaut attend en souriant. Je lui tends mon rossignol.

Dans l’appartement, rien n’a bougé depuis mon passage. En homme habitué aux missions particulières, Pinaut est déjà à l’œuvre. Il sort les bouteilles d’eau et les remplace par les petits cartons d’explosifs. Puis, je l’aide à empiler dans un sac tout ce qui peut être compromettant pour del Succa Yvanies. Tout ce qui est sur la table disparaît. Bouteille, verres, cahier, cendrier et matériel de propagande.

Lorsque nous redescendons, moins de cinq minutes plus tard, l’appartement est net de toute trace. Nous repassons avec nos cartons devant les femmes qui ne prêtent nullement attention à nous. 

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